La logistique urbaine est un système complexe et en perpétuelle évolution qui permet d’approvisionner et de dynamiser les villes mais a un impact non négligeable sur la qualité de l’air et l’encombrement des voiries. Elle est responsable d’1/3 des émissions de polluants et de 15% à 20% du trafic routier, des externalités négatives qui ont tendance à s’amplifier avec, entre autres, l’essor du e-commerce, la fragmentation accélérée des flux et les livraisons instantanées.
Pour lutter contre ces impacts négatifs, la cyclo-logistique apparait comme une alternative à la livraison en camionnette ou en camion en apportant une solution logistique durable, rapide, fiable et facile à mettre en œuvre. Ce « nouveau » mode de livraison connait un succès croissant, chez les professionnels comme chez les particuliers. Selon l’union sports et cycle, 11 000 vélos cargos ont été vendus en 2020 soit une augmentation de 354% comparée à 2019. En outre, le contexte politique est favorable au développement de la cyclo-logistique, en particulier avec la mise en œuvre des ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants et le plan national pour la cyclo-logistique alimenté par les certificats d’économie d’énergie.
Au regard de ces éléments, la cyclo-logistique représente un marché à fort potentiel de croissance, d’où notre choix de consacrer cette 3ème séance des rencontres de la logistique urbaine à ce sujet.
Après une introduction par Laïla Abdhelhai (UdL - LAET) qui a posé le contexte, rappelé les enjeux et exposé les dispositifs mis en œuvre pour favoriser la cyclo-logistique, un état de l’art de la connaissance scientifique assorti de simulations sur les flux captables par la cyclo-logistique a été présenté par Mathieu Gardrat (LAET). Le travail du laboratoire d’innovation sociale (LIS) dédié à la cyclo-logistique a ensuite été explicité par David Rincon (lecentsept) accompagné par Maxime Cadel (Urbanera, Bouygues immobilier) qui a également présenté les pistes d’expérimentations proposées par le LIS.
On retiendra de ces exposés que :
D’un usage très marginal dans une logistique urbaine marquée par un recours massif aux véhicules utilitaires légers, ce mode de transport connait un essor rapide.
Le parc de véhicules utilisés par la cyclo-logistique est extrêmement varié et en évolution pour pouvoir transporter des charges de plus en plus importantes et des produits de plus en plus divers.
Les atouts de la cyclo-logistique résident dans la vitesse de livraison, la capacité à se faufiler et à stationner là où les véhicules classiques ne passent pas, l’absence de bruit et d’émissions polluantes, des coûts d’exploitation équivalents à la logistique traditionnelle mais des coûts d’investissement moindres,
Des freins demeurent néanmoins à son déploiement : économiques, sociaux, fonctionnels ou de représentations
Les marchés éligibles sont par ordre décroissant : les achats des ménages, les artisans et activités de service, le petit colis B2C ou B2B, le compte propre… La simulation conduite sur le périmètre de la ZFE de Lyon indique que de 23 à 57% des livraisons sont éligibles à être réalisées en cyclo-logistique.
Un accompagnement public (réglementation, aides financières, foncier…) est nécessaire pour permettre le développement de la cyclo-logistique.
Plus de 25 partenaires des milieux économiques, associatifs, scientifiques, institutionnels sont impliqués dans le LIS cyclo-logistique. 5 projets ont été proposés à l’expérimentation : des entrepôts mobiles, l’intermodalité cyclo-tram, un hub logistique dédié aux produits frais, une maison des coursiers. Des réflexions sont en cours sur l’usage de la cyclo-logistique pour la reverse.
Les échanges autour de cette table ronde et avec le public ont permis d’aborder :
L'évolution de l'offre de matériel qui permet d'envisager une diffusion de la cyclo-logistique vers des segments où elle est aujourd'hui peu présente (volumes et poids importants). Pour autant le secteur des courses alimentaires (hors dépannage d'urgence) et tout ce qui nécessite la présence de 2 livreurs en semblent pour l'instant exclus en raison de la contrainte des derniers mètres à parcourir pour livrer à la porte d'entrée du client des produits souvent lourds et à faible valeur ajoutée ;
la nécessité de disposer de foncier en hyper-centre pour pouvoir organiser les tournées dans un périmètre de 3 km autour de l'entrepôt. Les ouvrages en souterrain comme les parkings ne sont pas adaptés car certains cycles ne peuvent pas franchir les pentes, les emprises SNCF sont par contre des espaces intéressants ;
la nécessité d'intégrer la question logistique dès la conception des projets d'aménagement en s'appuyant sur un aménageur qui interagit avec toutes les parties prenantes de manière à proposer des solutions ;
les aménagements et le partage de la voirie nécessaires et qui diffèrent selon le type de véhicule utilisé. Avec une vitesse de 40 km/h, un coursier à vélo n'empruntera pas la piste cyclable, plus adaptée à des véhicules plus lents comme le vélo-cargo mais pas à des triporteurs du fait de leur encombrement ;
la difficulté pour l'aménageur à faire coexister tous les modes sur la voirie, en sécurité, ce qui risque de se faire au détriment de la végétalisation faute d'espace suffisant ;
la question sociale de la livraison à vélo avec l'opposition entre les opérateurs qui recrutent des livreurs en CDI et ceux qui recourent à des auto-entrepreneurs. Les règles doivent être les mêmes pour tous ;
le rôle des start-ups qui viennent perturber le marché de la cyclo-logistique en proposant des prix très faibles permis par des levées de fonds importantes mais sans modèle économique pérenne. La livraison a un coût économique, social et environnemental, il faut éduquer le consommateur à ce sujet ;
l'essor de la demande pour de la cyclo-logistique et les difficultés à recruter des livreurs, à plus forte raison des livreurs à vélo dont les profils diffèrent de ceux des livreurs en VUL ;
la nécessaire mutualisation entre opérateurs du transport afin d'optimiser le chargement des flottes cyclo-logistiques de manière à accroître la part des flux prise en charge sans faire exploser le nombre de véhicules en circulation. Compte tenu du contexte concurrentiel entre opérateurs, cette mutualisation doit être chapeautée par la collectivité.
Réalisées pour la première fois en format mixte avec un public en présentiel et à distance, ces RLU ont permis des échanges nourris avec les participants (plus de 400 inscrits au total). Cette édition a été organisée dans le cadre des rencontres de la filière vélo de la Région Auvergne Rhône-Alpes en partenariat avec la Région AuRA, le pôle de compétitivité le CARA et le Cluster MAD.